Voici le vip demandé :
Personnalité : Rachid MEKLOUFI
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Rachid Mekloufi est né le 12 août 1936 à Setif en Algérie. Il est considéré aujourd’hui comme le plus grand joueur algérien de tous les temps et comme l’un des trois meilleurs joueurs à avoir évolué à l’AS Saint-Etienne.
UN DEPART EN FANFARE
L’histoire commence le 4 août 1954. Un certain Monsieur Setboum avait remarqué un joueur de talent qui maltraitait les défenses adverses de l’USM Sétif. Sa réputation arrive jusqu’aux oreilles de Pierre Garonnaire qui lui offre un billet d’avion pour venir faire un test dans le Forez. Le recruteur stéphanois le récupère le 4 août 1954 à sa descente d’avion et, le jour même, Mekloufi effectue un essai devant Jean Snella. L’Algérien n’avait jamais foulé une pelouse auparavant. Malgré tout, l’entraîneur mythique a su qu’il avait trouvé la perle rare, celle qu’on ne rencontre qu’une seule fois dans sa vie. Rachid pouvait alors abandonner ses études de prothésiste dentaire. Il avait trouvé sa voie.
Le dimanche suivant, il participe à son premier match amical contre Grenoble. L’équipe gagne 6-0 et il marque 3 buts en jouant en attaque au côté de, déjà , Eugène N’Jo Lea. Snella est définitivement conquis et à 18 ans seulement, Mekloufi est invité à s’engager avec les professionnels. Son adaptation est étonnamment rapide et en tant que milieu de terrain il trouve rapidement sa place dans l’effectif stéphanois comme dans le cœur des supporters qui l’ont adopté sans aucune retenue. Il effectue son premier match officiel le 10 octobre 1954 à Nice. Les Verts perdent 2-0 et ils s’inclinent également à la journée suivante à Geoffroy Guichard contre Lens (1-2).
Toutefois le 31 octobre contre le CO Roubaix Tourcoing, l’Algérien montre un aperçu de son talent en inscrivant ses premiers buts sous ses nouvelles couleurs (un doublé) qui contribuent grandement à la victoire des protégés de Jean Snella (5-1). Il s’impose définitivement lors de son premier derby le 28 novembre 1954 où il éclabousse le match de toute sa classe avec un nouveau doublé (4-2). C’est le début de la légende. Pour les journalistes qui l’appelaient Rachid (c’était plus simple), il devient le grand Mekloufi.
Le premier derby de Mekloufi
Grâce à la politique de formation voulue par Snella, l’AS Saint-Etienne commence sa marche en avant. Bien vite en 1955, elle remporte son premier trophée : la Coupe Drago. Grâce à sa triplette remarquable (Mekloufi-Rijvers-N’Jo Lea) peut-être la meilleure toutes époques confondues, avec l’apport des Tylinski, Ferrier, Peyroche, Goujon et l’expérience des Abbes ou Domingo, l’ASSE obtient son premier titre de champion de France en 1957.
Cela lui donne le droit de disputer tout d’abord la Coupe latine où elle rencontre des équipes prestigieuses comme le Benfica et le Milan AC devant plus de 100000 spectateurs à Madrid. Surtout, elle dispute son premier match de Coupe d’Europe contre les Glasgow Rangers devant 80000 spectateurs et le 4 septembre 1957, en Ecosse, Mekloufi entre dans l’histoire pour avoir été le premier stéphanois à marquer un but dans cette compétition (un tir canon de 30 mètres en pleine lucarne).
UN DEPART CLANDESTIN
On pensait assister alors à une véritable démonstration du génial maghrébin, à des années de domination sans partage, lui qui était considéré comme l’égal des Raymond Kopa et Just Fontaine. D’ailleurs, le 14 juillet 1957, il est champion du monde militaire avec l’équipe de France. Il faut se rappeler que l’Algérie est à ce moment-là un département français et il compte en 1958, 4 sélections avec les A. Il est naturellement pré-sélectionné pour participer à la prochaine Coupe du Monde en Suède pour laquelle la France s’est qualifiée.
Malheureusement, la Guerre d’Algérie va tout emporter sur son passage et le 14 avril 1958 à la suite du match ASSE-Béziers, il s’éclipse avec d’autres Algériens pour rejoindre le FLN. Son départ est d’ailleurs rocambolesque. Lors de ce match contre Béziers, il se blesse à la tête en percutant son équipier N’Jo Lea et il est transporté à l’hôpital. De là , ses compatriotes Arribi (OL) et Kermali (Avignon), originaire de Sétif comme lui, le récupère et ensemble, ils passent clandestinement la frontière suisse pour se rendre à Genève. On a longtemps cru que Mekloufi avait mis en scène sa blessure et aujourd’hui, beaucoup ont encore des doutes même si l’intéressé à toujours affirmé le contraire.
Quoi qu’il en soit, Mekloufi se retrouve à Tunis où il a pour mission de sillonner avec les autres joueurs de football professionnels algériens exilés, tous les terrains d’Europe, notamment de l’Est, pour représenter l’Algérie indépendante. C’est ni plus ni moins l’ancètre de l’équipe qu’on appellera dans le futur « les fennecs » et à ce titre, il participe à 91 rencontres de 1958 à 1962. Cette même année, les accords d’Evian accordent à l’Algérie son indépendance et amnistient automatiquement Mekloufi, autrefois considéré comme coupable de désertion. Il peut donc reprendre sa carrière professionnelle.
A Saint-Etienne, un nouveau président a pris les rennes du club. Il s’agit de Roger Rocher et il n’a qu’une idée en tête, rapatrier le génial Rachid. Mais il est trop tôt, le public français risque de ne pas comprendre et pour ne pas le brusquer, Rocher et Jean Snella, alors entraîneur du Servette de Genève, s’entendent pour récupérer le milieu de terrain pour qui ce sera une étape de transition. L’ASSE est en 2e division et pour assurer une remontée tranquille, en décembre 1962, son retour dans le Forez est décidé dans le plus grand secret. L’affaire n’est pas entendue d’avance. Les menaces de l’OAS, organisation terroriste luttant pour l’Algérie française, sont à peine voilées. Elle s’est même attaquée, heureusement sans succès, au le général de Gaulle.
Pourtant, cela n’arrête pas Roger Rocher, plus volontaire que jamais et au dernier moment, il fait inscrire le nom de Mekloufi sur la feuille de match contre Limoges. Il fait son entrée sur la pelouse avec l’équipe, n’ayant pas participé à l’échauffement collectif pour éviter tout mouvement de foule. Le public est partagé même si, dans un premier temps, les sifflets l’emportent. Heureusement, Mekloufi inscrit deux buts et fait marquer les deux autres. L’ASSE gagne 4-0. Il est acclamé et peu de temps après, les Verts retrouvent leur place parmi l’élite.
Rachid Mekloufi
UN NOUVEAU DEPART
Il peut dès lors entamer son deuxième parcours à Saint-Etienne qui s’illumine avec un autre retour, celui de Jean Snella. Ensemble, ils réalisent l’exploit, peu commun, de remporter un deuxième titre de champion de France l’année même de la remontée en 1964. Ils récidivent trois ans plus tard en 1967 après un cours intermède assuré par le FC Nantes. Il est sacré meilleur joueur du championnat de France et Snella peut alors passer le flambeau avec fierté à son successeur, Albert Batteux, dont les résultats seront tout aussi remarquables.
Pourtant, l’entente n’est pas aussi parfaite entre le stratège stéphanois et l’ex-entraîneur rémois. Ce dernier lui retire même le brassard de capitaine pour le confier à Robert Herbin considérant que l’Algérien ne montre pas assez l’exemple. Certains le soupçonnent même d’avoir voulu se venger car avec Mekloufi dans ses rangs, le France, dirigée par Albert Batteux, aurait peut-être gagné la Coupe du Monde 58 au lieu de finir 3e. C’est une version difficile à croire même si 1967-68 est la dernière saison du gamin de Setif à l’ASSE qui voit éclore un autre Africain, dont on reparlera bientôt, Salif Keita.
C’est pourtant, Mekloufi qui est aligné pour la finale de la Coupe de France contre Bordeaux le 12 mai 1968. C’est son apothéose. Les deux équipes sont à égalité 1-1 et on peut même dire qu’en cette fin de match, les Girondins dominent. A la 77e minute, Hervé Revelli est bousculé dans la surface de réparation et l’arbitre désigne le point de penalty. C’est l’Algérien lui-même, encouragé par Robert Herbin, qui est choisi pour transformer la sentence. Il s’élance et il marque. Pour rien. L’arbitre n’ayant pas sifflé, il demande à faire retirer le penalty. Qu’à cela ne tienne. Rachid s’exécute une deuxième fois et sans trembler, il trompe définitivement le gardien bordelais pourtant parti du bon côté. Les Verts gagnent 2-1 et remportent la Coupe de France.
Saint-Etienne est en route pour le premier doublé de son histoire et Mekloufi peut alors tirer sa révérence de la plus belle manière tel un prince ou un artiste du music-hall.
Mekloufi félicité par Valery Giscard d’Estaing
Il rejoint par la suite Bastia avec lequel il va commencer, les années suivantes, une brillante carrière d’entraîneur. Elle le conduira à prendre tout naturellement la tête de l’équipe nationale d’Algérie avec laquelle il remporte les jeux méditerranéens en 1975. Et surtout, il parvient à qualifier son pays pour la Coupe du Monde 1982 en Espagne. Lors de ce tournoi, les Algériens réalisent l’exploit de battre les Allemands, futur tombeurs de l'Equipe de France et finalistes de l’épreuve (2-1). Ils ne sont éliminés qu’à la suite d’une entente frauduleuse entre la RFA et l’Autriche, ces derniers laissant gagner leurs cousins (1-0) permettant du même coup à ces deux nations d’obtenir leur ticket pour le deuxième tour aux détriments des Algériens scandalisés.
Rachid Mekloufi est donc le premier génie à avoir foulé le stade Geoffroy Guichard. Mais non content d’avoir enchanté les soirées stéphanoises, il peut s’enorgueillir d’avoir su transmettre sa passion à son incroyable successeur, Salif Keita qui portera aussi haut les couleurs de l’Afrique.