Voici le vip demandé :
Personnalité : Pierre FAURAND
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PIERRE FAURAND LE FONCEUR
Lorsque Pierre Guichard est redevenu président de l’AS Saint-Etienne le 20 juillet 1950, l’une de ses priorités a été de dénicher la perle rare qui pourrait le remplacer à partir du moment où le club était stabilisé. Car il ne faisait aucun doute dans son esprit que son retour aux affaires n’était que provisoire. Le temps de remettre l’ASSE sur de bons rails après la période de turbulences qu’elle avait connue. En 1952, il a réalisé tous ses objectifs. Les finances sont de nouveaux au vert et il a incorporé du sang neuf à tous les niveaux avec les hommes appropriés pour établir des fondations solides afin de garantir un avenir serein.
A cet effet, il favorise l’arrivée de Pierre Faurand au comité directeur dès 1949 car il a décelé dans cet entrepreneur dynamique, les qualités idéales pour en faire un bon dirigeant. Pour les observateurs extérieurs, Faurand s’intègre petit à petit dans l’organigramme stéphanois sans faire de bruit mais avec efficacité. C’est un industriel qui a fait fortune en gérant une entreprise spécialisée dans le traitement des peaux et d’ailleurs ces détracteurs ne manqueront pas de le surnommer « le marchand de peaux de lapins » ce qui avait le don de le mettre dans une rage folle. C’est une constante chez lui. C’est un sanguin dont les colères sont restées mémorables et qui a la faculté d’aller de l’avant coûte que coûte. A 38 ans, il est encore célibataire et avant la guerre il avait l’habitude de côtoyer les professionnels de l’ASSE avec qui il partageait certaines soirées pouvant se prolonger tard dans la nuit.
Le 3 septembre 1952, il est intronisé à la place de Pierre Guichard au poste de président de l’Association Sportive de Saint-Etienne au détriment d’Alex Fontanilles qui n’a jamais été considéré comme un candidat sérieux malgré tout son talent. Cela n’en reste pas moins une nomination surprenante car il est le plus jeune patron d’une équipe de football professionnel en France.

Pierre Faurand
Pour ses débuts, il fait entièrement confiance à Jean Snella pour le côté sportif et à Charles Paret pour le côté administratif. Avec de tels mentors, il est vrai que le club est à l’abri de toutes les tempêtes. Faurand les a vu fonctionner pendant tout le temps où il était au comité de direction et il a épousé chacune des convictions de ses deux collaborateurs. Il favorise notamment la politique de rajeunissement du groupe stéphanois voulue par l’entraîneur. En bon gestionnaire, il sait que former des professionnels est moins coûteux que d’acheter des joueurs confirmés souvent acquis à prix d’or. Encadrés par les éléments expérimentés déjà présents au club, les espoirs du centre de formation semblent promis à un bel avenir et Saint-Etienne devrait pouvoir en profiter rapidement. Malheureusement, il ne peut empêcher le départ de sa vedette, Antoine Cuissard, qui passe par Cannes pour rejoindre Nice. Evidemment, Faurand, bien que néophyte, n’était pas dupe de la destination finale de son international français mais ce transfert sur la croisette lui aura au moins permis de sauver la face sachant pertinemment qu’il n’avait pas les moyens de retenir un joueur qui voulait partir. Cela ne l’empêche pas de savoir recruter, lui aussi, sous les conseils de son staff technique, de bons joueurs comme le gardien Claude Abbes, débauché de Béziers et dont on connaît l’importance qu’il aura dans les résultats stéphanois et ceux de l’équipe de France.
Rapidement, la politique sportive initiée par Jean Snella et confirmée par Pierre Faurand commence à porter ses fruits. En 1953, l’ASSE atteint les demi-finales de la Coupe de France éliminée par Lille, le futur vainqueur (0-1). En 1954, elle obtient une prometteuse 5e place au classement général du championnat de France, ce qui ne lui était plus arrivé depuis la saison 1947-48.
En 1955, Pierre Faurand peut s’enorgueillir d’être le premier président de Saint-Etienne à offrir un titre officiel d’envergure à placer en bonne position dans la vitrine du club. Il s’agit de la Coupe Drago, l’ancêtre de la Coupe de la Ligue, que les Verts remportent face à Sedan (2-0) le 3 juin 1955 au Parc des Princes en ayant éliminé au passage Lyon, étrillé 4-0 en demi-finale.
1957 : L’APOTHEOSE
Et que dire de l’année 1957 celle de toutes les premières et de tous les plaisirs, du premier sacre de champion en ayant ébloui la France du football grâce à une attaque de rêve composée d’Eugène N’Jo Lea, Rachid Mekloufi et Kees Rijvers (surnommée l’attaque mitraillette ou l’attaque rock n’ roll) dont il aura négocié l’arrivée et donc favorisé l’éclosion notamment pour les deux premiers nommés. Qui aurait pu imaginer qu’il aurait été l’homme qui aura conduit l’AS Saint-Etienne au sommet de la hiérarchie nationale ? Pierre Guichard peut-être mais certainement pas avec une réussite aussi éblouissante. En effet, tout ce que touche Faurand se transforme en or.
Grâce à ce titre de champion de France, l’ASSE part à Madrid en juin pour participer à la Coupe Latine, une confrontation amicale qui réunit les lauréats des championnats du Portugal, d’Espagne, de France et d’Italie. Même si le résultat n’est pas au rendez-vous (défaite face au Benfica 0-1 en demi-finale et défaite face au Milan AC 3-4 pour la 3e place), elle dispute ses rencontres devant plus de 100000 spectateurs ce qui constitue encore aujourd’hui un record.
Ce n’est pas tout. En septembre 1957, Saint-Etienne découvre la Coupe d’Europe en étant opposé, au premier tour, aux diaboliques Glasgow Rangers. Il s’en faut d’un rien pour que les Verts ne créent l’exploit. En Ecosse, lors du match aller, ils ouvrent la marque par l’intermédiaire de Mekloufi, qui devient, à tout seigneur tout honneur, le premier buteur sur la scène européenne de l’histoire du club. Mais ils ne peuvent tenir la distance et ils doivent s’incliner 3-1. Au retour, devant presque 30000 spectateurs et une ville entière qui retient son souffle (certaines usines aux alentours de Geoffroy Guichard ayant fermé en l’honneur de ce match), les Stéphanois ne peuvent faire qu’une partie de leur retard et ils l’emportent 2-1. Insuffisant pour se qualifier mais tellement grisant que l’ASSE n’a qu’une envie : regoûter à ce parfum envoûtant. A cette occasion, Pierre Faurand se rend compte que le stade Geoffroy Guichard ne répond plus aux besoins du club qui vient de battre son record d’affluence contre les Rangers. Il fait alors appel à l’entreprise de Roger Rocher (la SFTP) qui bâtit des gradins derrière chaque but. Satisfait par le travail du jeune entrepreneur, il lui propose d’entrer à son tour au comité directeur. Sans le savoir, il vient d’assurer l’avenir de l’AS Saint-Etienne pour le prochain quart de siècle. Pour terminer avec ce merveilleux souvenir racontons cette anecdote savoureuse. Le 12 mai 1976, les Verts sont de nouveau à Glasgow pour y disputer cette fois-ci la finale de la Coupe d’Europe. Bien sûr, Pierre Faurand est invité à assister à ce match et il choisit de descendre au Saint-Ennoch Hôtel, comme une forme de pèlerinage, car c’est celui-la même qui l’avait accueilli lors de son premier passage en 1957.

ASSE-Rangers, Yvon Goujon prend le meilleur sur les Ecossais. En vain.
C’est l’apothéose pour Pierre Faurand qui ne connaîtra plus un pareil succès. Le président Faurand et le vice-président Fontanilles ne sont pas sur la même longueur d’ondes, ce dernier se faisant plus critique à mesure que les résultats déçoivent. En outre le président reproche à son collaborateur le traitement de l’affaire Herbin, Fontanilles malgré ses entrées au sein des instances parisiennes n’ayant pu empêcher la suspension du jeune joueur. Deux personnalités à la tête du club, c’est dur à vivre. En 1958, les Verts perdent leur couronne et ne finissent que 7e du championnat. En outre, la guerre d’Algérie lui inflige des dommages collatéraux avec le départ précipité de Mekloufi pour le FLN. L’équipe doit composer sans son meneur de jeu et doit se contenter d’une 6e place pour la saison 1958-59, indigne du nouveau statut du club. Cette série de résultats peu encourageantes provoque la démission Jean Snella en 1959, peu enclin à poursuivre sa mission dans une atmosphère où règne une trop grande morosité. Il s’engage alors avec le Servette de Genève avec lequel il va vivre une nouvelle aventure.
Décontenancé, abattu par les critiques des journalistes qui ne l’épargnent pas, il en tombe malade au point d’attraper la jaunisse. Pour Pierre Guichard, obligé de récupérer son poste le 5 juin 1959, Pierre Faurand a été traumatisé par le traitement qu’il a subi. Trop colérique, incapable de se calmer, il a fait une dépression et à bout de nerfs, il a été contraint de passer la main. Néanmoins, pendant les quatre premières années de la présidence de Roger Rocher, il retrouvera sa place au comité directeur de l’ASSE pour apporter au nouveau président des Verts son savoir et lui prodiguer de précieux conseils tout en étant son meilleur soutien.
Ainsi pendant ses sept années à la tête du club (1952-1959), Pierre Faurand aura été à la base des premiers succès de l’AS Saint-Etienne, lui aura fait prendre conscience qu’elle pouvait côtoyer les sommets à force de courage, de ténacité et en privilégiant la formation interne. A la suite de quoi, les successeurs n’ont eu qu’à creuser un sillon déjà bien fertile.

Pierre Guichard (extrême gauche), Pierre Faurand (extrême droite) et Roger Rocher (à sa gauche), les présidents les plus charismatiques de l’ASSE.