Voici le vip demandé :
Personnalité : Alexandre DE FRAISSINETTE
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AU BORD DE LA FAILLITTE
Nous sommes en 1950. La saison 1949-50 s’est terminée et l’ASSE n’a pu faire mieux qu’obtenir une pénible 11e place. Et pourtant au sortir de la seconde guerre mondiale, lors du premier championnat de France qui a suivi la Libération, les Verts avaient réussi l’exploit de se classer 2e derrière Lille. Au lieu de lancer l’aventure, ce résultat exceptionnel, sur lequel les dirigeants auraient pu s’appuyer pour reconstruire le club, a plutôt eu des conséquences néfastes. En voulant confirmer immédiatement, l’ASSE a brûlé les étapes et a voulu côtoyer les sommets sans penser réellement à fortifier des fondations mises à mal pendant les années sombres de l’Occupation. Le premier départ d’Antoine Cuissard, un joueur surdoué, en 1946, a sonné comme un coup d’arrêt qui aurait du servir d’avertissement. On n’a pas voulu en tenir compte et le staff n’a eu des lors qu’un seul objectif : le récupérer au plus vite. Pour se faire, lorsque Cuissard avait rempli sa mission à Lorient, en remettant à flot le club familial, il lui a été proposé la somme, faramineuse pour l’époque, de 5 millions de francs. Une folie. On ne le sait pas encore, mais Saint-Etienne, qui ne dispose pas d’une trésorerie florissante, est en train de creuser sa propre tombe.
En 1947-48, avec le retour de Cuissard, Saint-Etienne parvient pourtant à se hisser à la 4e place. Ce n’est qu’un leurre. La saison suivante, elle finit 8e. Le public, 12000 spectateurs de moyenne, un chiffre remarquable, commence à déserter le stade et malgré des rentrées d’argent plus faibles, le comité directeur décide de tenter le tout pour le tout en renouvelant en 1949 la quasi-totalité de l’effectif. Arrivent alors dans le Forez, d’Hondt, De Cecco, Ferry, Gomez, Remy, Castellani, Hanus, Vernay et René Domingo. Ce sont tous des joueurs remarquables et si on ajoute Cuissard, Alpsteg ou encore Rodriguez, l’équipe semble armée pour réaliser une superbe saison.
Malheureusement, l’encadrement doit vite déchanter. La mayonnaise ne prend pas et jamais l’ASSE ne sera capable de jouer les premiers rôles. A la fin des matches aller, elle occupe la 7e place mais c’est en fait son meilleur classement. Elle finit 11e bien loin des ambitions de début de saison. Surtout, un bon résultat était obligatoire car les dirigeants avaient pris des risques financiers considérables espérant faire revenir les supporters permettant d’éponger des dettes qui s’annoncent abyssales.
Devant la désaffection du public, seulement 7000 spectateurs environ, un entraîneur qui perd progressivement pied, des joueurs qui retirent peu à peu leur confiance, des rumeurs de déficit qui se creusent, Saint-Etienne se dirige vers une lente et inexorable dégringolade. Pour couronner le tout, le président, Maître Perroudon est gravement malade (il meurt en 1950), et il semble bien qu’il n’y ait plus de commandant à bord du navire.
Pierre Perroudon
La sentence tombe rapidement. L’ASSE accuse un déficit de 14 millions de francs. Il était de 12 millions l’année précédente (mais comme on l’a vu, le coup de poker n’a pas marché) et de 3 millions en 1947 (les 5 millions dépensés pour le retour de Cuissard pèsent lourds). Devant ces chiffres catastrophiques, le comité directeur, impuissant décide de démissionner. Le 23 mai 1950, un comité provisoire est mis sur pied pour tenter de sauver ce qui peut l’être. Parmi les six membres, on peut noter la présence de Pierre Guichard, dont c’est le retour même s’il n’a pas décidé encore s’il allait s’engager plus, et un représentant de la ville de Saint-Etienne, qui tient à se rendre compte par elle-même de l’étendue des dégâts. L’évidence s’impose alors à tout le monde. Sans aide extérieure, l’Association Sportive de Saint-Etienne, créée en 1933, est condamnée à la faillite.
L’INTERVENTION CRUCIALE DU MAIRE DE SAINT-ETIENNE : ALEXANDRE DE FRAISSINETTE
La société Casino, à l’origine de la création du club, fait savoir rapidement, au moins officieusement, qu’il est hors de question qu’elle assume seule les erreurs de gestion de l’équipe précédente. Pierre Guichard a démissionné en 1943 et même s’il est resté président d’honneur, il avait pris du recul par rapport à la direction fautive. Pendant tout le temps où il était à la tête de l’ASSE, Pierre Guichard avait pris soin d’effacer les ardoises qui avaient pu exister tout en faisant évidemment attention à ce qu’elle n’atteigne jamais des sommets. Cela ne l’avait pas empêché de recruter des joueurs d’exception. N’appelait-on pas dans les années 30, les Verts, « l’équipe des millionnaires » ? Aujourd’hui, Casino ne consent pas à mettre la main au portefeuille. Il convient donc de se tourner vers d’autres bonnes volontés. Et le seul interlocuteur valable sur lequel on peut compter n’est autre que la mairie.
Rapidement, le maire de la ville, Alexandre de Fraissinette, a pris la mesure de la situation et il semble plutôt favorable à l’intervention des pouvoirs publics mais son conseil municipal, dans lequel siège une opposition puissante, ne l’entend pas du tout de cette oreille. Après tout, l’ASSE est une structure professionnelle et normalement, elle doit se suffire à elle-même. Ce n’est pas au contribuable stéphanois de devoir supporter la charge d’une gestion pour le moins hasardeuse.
Alexandre de Fraissinette
Toutefois, le club de football professionnel de Saint-Etienne est le fleuron de la ville et elle vient d’être désignée, ville la plus sportive de France en mai 1950. Sa disparition serait un véritable camouflet pour la politique locale, qui n’a eu de cesse de mettre en avant sa capacité à embellir un espace noirci par le charbon et les industries métallurgiques. De plus, l’ASSE est déjà , à l’époque, un important vecteur de publicité pour la commune qui en manque cruellement, elle qui est loin de tous les axes stratégiques et qui au niveau national a du mal à se faire une place au soleil. Le 8 juin 1950, une souscription est lancée auprès du public afin de récolter des fonds pour aider le club. Ce dernier promet de gagner le championnat ou la coupe très rapidement mais il a besoin de la générosité des Stéphanois pour éviter que les meilleurs joueurs, qui risquent de ne plus être payés, aillent exercer leur talent ailleurs. Elle rencontre très peu d’échos ou du moins pas suffisamment.
Le 8 ou le 9 juillet 1950, Alexandre de Fraissinette décide alors de convoquer un conseil municipal chargé d’étudier la question et inscrit à l’ordre du jour la possibilité de verser une subvention à l’ASSE. Malgré ses talents oratoires, il ne parvient pas à convaincre les élus et le conseil vote le refus d’accorder une subvention aux Verts. C’est plus ou moins l’arrêt de mort programmée pour le professionnalisme à Saint-Etienne.
C’est alors que le maire reçoit l’aide involontaire d’un allié pour le moins étonnant. En effet, le 11 juillet, la ville de Lyon se manifeste publiquement en promettant de récupérer l’ensemble de l’effectif stéphanois pour créer sa propre équipe professionnelle qu’elle compte rapidement installer parmi l’élite. Ce qui n’aurait du être qu’un engagement à l’amiable, avec le minimum de publicité, est rapidement monté en épingle par Alexandre de Fraissinette, qui y voit là l’occasion de retourner la situation en sa faveur. Il a le soutien de Pierre Guichard avec lequel il s’est déjà arrangé pour obtenir de sa part la promesse de revenir à la tête du club à la stricte condition que la mairie prenne une grande partie du déficit à sa charge.
Evidemment, l’émotion est intense à au sein de la population stéphanoise qui ne comprend qu’on laisse partir à l’ennemi, sa meilleure équipe sportive. Face au tollé général, le maire en profite donc pour réunir un nouveau conseil municipal extraordinaire. La situation a radicalement changé et ce malgré l’hostilité des communistes, qui auraient préféré accorder un prêt plutôt qu’une subvention, étant entendu qu’une aide ne pouvait plus être refusé sous peine de se voir attirer le courroux des électeurs. Le 17 juillet 1950, on apprend donc que le conseil municipal a accordé une subvention de 3 millions de francs et un prêt de 7 millions.
L’ASSE est sauvée.
On ne peut que remercier et se féliciter de l’obstination du maire de Saint-Etienne de l’époque, Alexandre de Fraissinette, qui a tout simplement sauvé l’Association sportive de Saint-Etienne. Sans son intervention décisive, qui sait si nous n’aurions pas été les premiers supporters de......... l’Olympique Lyonnais dont la création date d’ailleurs du 3 août 1950 mais sans les joueurs stéphanois.
Au contraire, l’ASSE a pu continuer à vivre et cela a même été le véritable départ car Pierre Guichard, revenu au pouvoir comme il l’avait promis, s’est alors attaché à créer une véritable organisation digne de ce nom. Elle a été à la base du renouveau des Verts et sans laquelle aucun des succès à venir n’aurait été possible.